L'enfant au Walkman_

(suite à ma lecture de cet article ...)

Bien que je fasse partie d'une génération intermédiaire, à la croisée des genres et des technologies, j'ai tout de même le souvenir ému du Walkman, cet appareil recouvert de plastique, avec des touches bruyantes et un casque équipé de mousse qui gratte. Il est un peu mon premier contact avec la musique, ou en tout cas mon côté névrosé qui fait qu'il m'en faut partout, tout le temps.

Mes aînés m'avaient inculqué la manière de composer ses propres compilations à partir d'un imposant poste à double entrée K7 ou en enregistrant directement les morceaux à la radio en prenant soin de ne pas s'éloigner de l'engin afin de couper les publicités à temps, ne pas gâcher un centimètre de pellicule et s'éviter la manipulation "Rewind - Record". Je me souviens également de fausses sessions radio dans la chambre de mon frère où il se prenait pour un animateur, s'enregistrait entre des morceaux musicaux et interviewait régulièrement la petite fille en plein apprentissage de la lecture que j'étais alors.

Tous ces enregistrements fastidieux partaient avec moi pour le seul long trajet hebdomadaire de mon enfance : Les vingts kilomètres à parcourir pour aller chez ma grand-mère. J'étais fière, je me sentais hors du monde et invisible malgré le pavé entre les mains et le casque de steward. Le Walkman bleu à l'effigie de Mickey que mes parents m'avaient offert à Disneyland en 1995 était pour moi la chose la plus précieuse au monde ...

... jusqu'à ce que je revienne à la maison avec la K7 des 2Be3 fièrement acquise au supermarché du coin avec mes économies en pièces jaunes. Il n'empêche que ce jour-là, alors que j'étais persuadée que "Les Magnolias" était une originale et que je m'époumonais dans le séjour à la grande lassitude de ma famille et peut-être même celle des voisins, mon père a eu un réflexe magique. A moi, petite fille de huit ans qui avait accroché Franck au dessus de son lit (c'était mon préféré), il m'a dit "Tu devrais dépenser ton argent dans de la musique plus intelligente !". Et BAM.

Les cassettes qui ont tourné dans mon Walkman par la suite on été celles piquées en douce dans les collections de mon frère et ma soeur, m'ouvrant à un immense univers allant des Guns N'Roses à Rachid Taha.

(Parce que oui, je profite de cette tribune pour briser un mythe : Christelle, tu m'as dit un jour "Ouah ! Tu connais Rachid Taha ! Comment ça se fait ?" et je t'avais répondu toute fière que je l'avais entendu à la radio. En réalité non, je t'avais savamment subtilisé quelques K7 et, pour continuer dans la confidence douloureuse, si tu ne les retrouves pas toutes à ce jour, c'est que j'en ai coincé une et que la bande n'a jamais été récupérable. Mea culpa.)

Et ensuite, le baladeur CD apparut ... Puis le baladeur CD lisant les CDR(W) ... Puis le lecteur MP3 de 128 Mo ... Puis l'Ipod de 16 Go ... etc etc. Jusqu'à ce que dans un futur plus ou moins proche il ne s'agisse plus que d'un implant dans le cerveau. Ou pas.